Parfois, je me demande ce que vous savez réellement de ma vie. Mis à part le fait que je sois riche, arrogante, belle et vip. Est-ce que vous pouvez me dire autre chose ? Je ne crois pas, malheureusement. Mais étrangement, cette vie-là, celle où les gens se doivent de me vénérer sans même me connaître au plus profond de moi-même, me convient bien, me correspond. Je suis supérieure à chacun d’entre vous, et vous ne pouvez savoir à quel point cela fait du bien. Être connue ailleurs que dans mon quartier, dans mon université et les boîtes de nuit où je vais, c’est tout juste parfait, comme moi-même par ailleurs. Oui. Appelez-moi-même « Ô Grande Déesse de la Perfection » lorsque vous souhaitez vous adresser à ma personne. Dans tous les cas, là n’est pas la question, présentement. Alors, passons.

Croyez-vous qu’à ma naissance, j’ai été une enfant comme les autres ? Si c’est cela, je vous avouerai que vous vous mettez le doigt dans l’œil, et profondément. Oui, dès que ma génitrice m’a mise au monde, ma célébrité s’est mise en route, comme le moteur d’une formule 1. A cette époque-là, nous vivions encore en Californie, ma mère, mon père et moi. Les couvertures des magazines mettaient ma bouille en évidence. Car oui, mes parents se faisaient suivre, à chacun de leurs pas, par une horde de photographes et de caméramans. La télévision nous réclamait, tous les trois ensembles. Et cela n’était que le début, encore. Néanmoins, une fois cette première année de vie passée, on m’a très vite volé la vedette. Et c’est là que vous vous dites « mais qui ? » et où je vous réponds « ah, une peste. Une vraie peste. Bien pire que moi encore. Ma sœur, ce pauvre petit ver de terre sans grand destin. » Ah, tout cela peut paraître méchant, certes. Mais ça ne l’est pas. Ce n’est qu’affectif, mais d’une façon quelque peu étrange. Après tout, elle reste ma sœur, et cette sorte de violence, ou même encore une autre, ne servirait à rien entre nous. Mais revenons-en à ma perfection en oubliant cette naine. Sans doute ai-je oublié de vous préciser qui sont mes parents, pas vrai ? Oh, pas grand-chose en fait… Mon père était simplement un célèbre coureur automobile, et tient sa propre grande entreprise à présent. Ma mère, elle, est héritière d’une fabuleuse chaîne d’hôtel de luxe ; rien que ça, oui. Cela doit peut-être, ne serait-ce qu’un peu, préciser notre célébrité, à ma sœur et moi-même. Le début de ma vie s’était passé à Palm Springs, mais mes parents avaient finalement jugé plus intéressant d’aller s’installer à Los Angeles. Et c’est à ce moment-là que tout a vraiment commencé : les photos et la télévision. Mon travail d’aujourd’hui, le mannequinat, je le pratique depuis mes cinq ans, ou quelque chose dans ces environs. Je posais pour des vêtements d’enfants, et tout cela me plaisait tant. Je sortais encore plus de l’ordinaire, que tous ces pauvres fils de riches qui, mis à part l’argent de papa et maman, n’avaient pas grand-chose. Oh, oui, au contraire de ces bourgeois de dernière classe, je gagnais déjà mon propre salaire, et mon compte en banque n’a pas cessé de grossir. Mes parents avaient trouvé la bonne idée de m’enrichir dès mon plus jeune âge ; et au final, c’était bien intelligent de leur part, puisqu’à présent, je n’ai aucun besoin de leur demander de serait-ce que 100.000 wons ! Une parfaite vie, avouez-le donc. Mais revenons-en à mon enfance. Elle continua sur cette lancée, bien que mes contrats ne cessaient de doubler, chaque année, voire même chaque demi-année. Et je voyais mon entourage jalouser ; et je ne savais pourquoi, mais cela me procurait une certaine satisfaction. N’est-ce pas une preuve de réussite ? Bien sûr que si.
Et ainsi de suite. Cette vie continua, même après un nouveau déménagement. Lequel ? Celui pour quitter notre belle ville, notre beau pays, notre beau continent. Oui, un total changement, quelque chose de complet. Pourquoi ? Sans doute pour voir autre chose. Et pour mes parents, il ne faut pas faire cela à moitié. Mais nous n’aurions pas pu nous plaindre, ils nous faisaient voyager et nous rendaient encore plus célèbre. Où est le mal ? Nulle part, je crois. Mais quel était ce nouveau pays ? Ni l’Europe, ni l’Afrique, ni l’Amérique – évidemment. En Asie ? Oh, oui. Mais pas un pays comme la Chine. Aux Emirats Arabe Unis. Magnifique, une belle opportunité s’offrait à nous, et nous n’allions pas la rejeter. Yacht, villa… Mes parents avaient déjà tout prévu. Dubaï était à nous. Et c’était simplement parfait. Mais tout cela ne dura pas longtemps, puisque quelques années, aux alentours de mes quatorze ans, mes parents décidèrent à nouveau de déménager. Allions-nous connaître le monde entier, faire le tour de cette planète bleue ? Ah, j’y croyais. Presque. Cette fois, la ville voulue était celle de mon père. Séoul. Son beau pays, il l’avait tant attendue. Et ma mère semblait comblée dans cette capitale ; c’est vrai, elle était magnifique.

Aujourd’hui, j’ai vingt-et-un ans, et je suis plus motivée que jamais à briller sous le feu des projecteurs. Bien plus qu’à mon habitude encore. Mon métier n’a jamais changé, et j’y ai tellement pris goût que je ne peux même plus m’en passer, je crois. Il me prend une grande partie de mon temps libre. Le reste du temps, j’étudie à la faculté de droit. Et lorsqu’arrive le soir, lorsque tombe la nuit, je me mets dans mes plus belles tenues pour sortir en boîte de nuit, accompagnée de mes amis, dans un carré VIP. J’ai un bon style, une certaine classe qui fait jalouser la moitié d’un pays. Mon arrogance me vaut de l’or, des diamants. Ma beauté, elle, me vaut des hommes. Des riches. Très riches même. Des pauvres aux petits bourgeois, eux, ne sont pas grand-chose, juste des chiens errants, sans réel but dans la vie. Eux, et bien, je les envoie balader. Mieux vaut pour eux de s’éloigner, comme ces fichus gay et bi, qu’ils aillent en enfer. Une passion ? Oui, j’en ai une. Acheter. Toujours acheter plus, et le plus cher possible aussi. Sinon, je ne crois pas pouvoir porter ces vêtements, ils ne m’iraient pas. Trop peu pour moi, beaucoup trop pour vous ; oui. D’ailleurs, si on en revient juste aux pauvres, petits bourgeois et tout, ces chiens errants, je ne m’approche même pas de leur quartier. En ce qui concerne mon caractère, on me dit chienne, quelque chose comme ça. Vraiment, ne soyez pas si jaloux de ma popularité ; après tout, vous n’arriverez pas à l’égaler.
Avoir ma classe, c’est passer ses vacances aux Bahamas ou à Dubaï, dans une magnifique villa qui appartient à la petite famille. C’est aussi dépenser à tout va, sans compter. Avoir une chambre juste pour exposé un peu plus de la moitié de mes tenues, une deuxième pour le reste. Avoir son propre yacht et son jet privé. Mais aussi parler parfaitement Anglais, Arabe, Chinois et Coréen. Et je sais que vous m’aimez.